C’est en période de crise que nous voyons les limites de nos systèmes. Le Covid-19 a mis sous pression notre système de santé et notre économie est sous assistance financière. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le brouillard est épais sur la sortie de cette crise. Cette situation a chamboulé nos habitudes et remis en cause beaucoup de schémas d’organisations instaurés par le passé. Dans cette article, Nous allons nous attarder sur le choix de l’aménagement du territoire.

L’aménagement du territoire ?

L’aménagement du territoire en France consiste en un ensemble d’actions menées par l’État, les collectivités territoriales et certains établissements publics afin de favoriser le développement des régions formant le territoire national. Agissant sur une échelle plus vaste que la politique de la ville, l’aménagement du territoire porte sur la disposition spatiale des hommes et des activités. Il conjugue donc développement économique, habitat, transports, communications et les enjeux de gestion de l’environnement.

Qui a la main sur l’aménagement du territoire ?

L’aménagement du territoire à la française demeure attaché à des processus dans lesquels l’État joue un rôle moteur. Toutefois, si cette politique se fonde sur des lois, des règlements et un budget décidés au niveau national, sa mise en œuvre met en jeu des dispositifs contractuels conclus avec les collectivités territoriales. Quant à l’Union européenne, elle intervient de plus en plus dans le développement des régions par le biais de sa politique régionale. Ce double mouvement de décentralisation et de construction européenne conduit aujourd’hui à faire intervenir tous les niveaux de l’organisation territoriale. À La Réunion comme dans tous les DOM, la planification des projets d’aménagement est chapeautée par le SAR (Schéma d’Aménagement Régional).

Le SAR détermine notamment :

  • la destination générale des différentes parties du territoire de la région,
  • les objectifs et les seuils à atteindre en matière d’énergies renouvelables et d’économies d’énergie,
  • l’implantation des grands équipements d’infrastructures et de transport,
  • la localisation préférentielle des extensions urbaines, des activités industrielles, portuaires, artisanales, agricoles, forestières, touristiques et relatives aux énergies renouvelables, ainsi que celles relatives aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Le SAR est élaboré par le Conseil régional de la Réunion. Il est adopté par le Conseil régional puis approuvé par décret.

À La Réunion les acteurs « publics » de l’aménagement ont aussi à leur disposition une agence qui s’appelle l’AGORAH. Voici un petit extrait issus de leur website afin de présenter leur rôle :

« L’AGORAH, observatoire, centre d’expertises et d’analyses de l’aménagement de La Réunion est une agence d’urbanismestructurée pour étudier et anticiper les impacts des évolutions démographiques du territoire.
Ainsi, l’agence recense toutes les données en lien avec l’aménagement et produit des études stratégiques et prospectives sur l’urbain, l’habitat, l’environnement.« 

Concernant l’implantation des grandes surfaces, ou des centres commerciaux c’est un peu différent, il y a la CDAC (Commission départementale d’aménagement commercial) qui est compétente pour examiner les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale. Présidée par le préfet, chaque CDAC est composée de 7 élus, dont le maire de la commune d’implantation, et de 4 personnalités qualifiées en matière de consommation, de développement durable et d’aménagement du territoire (article L751-2 du code de commerce ). La commission se prononce sur les projets qui lui sont soumis par un vote à bulletins nominatifs. L’autorisation n’est acquise que si le projet recueille le vote favorable de la majorité absolue des membres présents. Donc

Donc en théorie et avec de tels outils l’aménagement devrait reposer sur un solide travail d’experts, mais qu’en est-il réellement?

Crise après crise, l’aménagement du territoire montre-t-il ses limites ?

Lors de la précédente crise majeure qu’a subi notre ile, celle des gilets jaunes, on a vu qu’en bloquant des ronds points et des échangeurs, il devenait très difficile de se déplacer. Cette technique est utilisé à chaque coup de chaud sectoriel, les transporteurs et les agriculteurs sont les précurseurs adeptes de cette stratégie.

La crise du Covid-19 nous amène dans la même situation que lors des différentes crises sectorielles citées ci-dessus. La limitation des déplacements est le coeur du dispositif de distanciation sociale.

La distanciation sociale ?

La distanciation sociale ou l’éloignement social désigne certaines mesures non pharmaceutiques de contrôle des infections prises par les responsables de la santé publique pour arrêter ou ralentir la propagation d’une maladie très contagieuse comme par exemple les maladies infectieuses émergentes et qui visent à éloigner les individus les uns des autres. L’objectif de la distanciation sociale est de réduire la probabilité de contacts entre les personnes porteuses d’une infection et d’autres personnes non infectées, de manière à réduire la transmission de la maladie, la morbidité et la mortalité. Elle participe à la réduction des risques sanitaires.

Cette stratégie permet dans le cas du COVID-19 qui se déplace avec les humains, de le contraindre dans un zone réduite.

La théorie versus la réalité :

La distanciation sociale en soi n’est pas insurmontable dans l’idée. Mais elle doit affronter un aménagement du territoire qui a préféré la concentration à la décentralisation. Les différents acteurs de l’aménagement du territoire ont créés des zones regroupant des activités : zone d’habitation, zone industrielle et/ou artisanale et zone commerciale. L’exemple de La Réunion est aussi particulier et paradoxal car son aménagement est à la fois vers une densification urbaine et un étalement dans toutes les autres zones. Les raisons sont multiples et aussi expliquées par l’inflation immobilière totalement incontrôlée qu’on provoqué des choix stratégiques dans de nombreux domaines (lois de défiscalisation non adaptées au contexte local et endémique, inégalités trop fortes dans l’ascension sociale, permis de construire mal étudiés dans une vision globale d’aménagement.

D’autres part, les zones commerciales ont petit à petit vidé les quartiers de leurs commerces de proximité qui ne sont pas en mesure de lutter contre des géants de la consommation de masse. Cependant, la crise du COVID-19 et ses restrictions de déplacements font que beaucoups de quartier se retrouvent sans commerces d’alimentation générale. Cette situation amplifie la pression sur les grandes surfaces qui sont comme chacun le sait un vecteur de propagration du virus du fait de la concentration d’êtres humains. De plus, le personnel des centres commerciaux sont de fait en première ligne d’une crise sanitaire d’ampleur jamais vu. Le risque de contamination est logiquement élevé dans ses lieux. Nos modes de consommation sont aussi coupables car rien ne nous empêche de faire nos rosses courses chez les géants tout en continuant nos courses d’appoints chez les petits commerçants de proximité.

Encore une fois la problématique de la stratégie !

Ce qui est difficile à comprendre c’est que les outils et structures pour un meilleur aménagement existent mais ne semblent pas être capables de trouver, ou de retrouver, une stratégie cohérente pour La Réunion. Sans entrer dans tous les détails des problématiques d’aménagement à La Réunion il est fort possible qu’il y ait eu de grosses erreurs dans les expertises et analyses ou encore plus simplement la non application des bonnes mesures dans la réalité.

Les erreurs stratégiques et le manque de capacités à gérer sont révélés la plupart du temps en temps de crise. Que ce soit la santé (cf. les actualités sur la gestion du COVID19) ou l’aménagement, le constat est aujourd’hui le même : La stratégie n’est pas la bonne parce que l’analyse ne l’a pas été en amont.

En somme, cette crise encore plus que les précédentes obligent à repenser l’aménagement du territoire présent et futur. Laisser des quartier sans commerces de proximité induit une dépendance totale aux grandes surfaces. C’est cette dépendance qui met à mal le plan de distanciation sociale voulu par l’OMS et fait courir un danger à la population qui doit se nourrir. Le pire étant à venir, cette crise n’est pas la première et ne sera sûrement pas la dernière et il va falloir à présent oeuvrer pour dans un premier temps adopter une nouvelle vision de l’environnement et de son aménagement et dans un deuxième temps mettre en place une stratégie viable, vivable et équitable, en somme durable pour l’île de La Réunion.

L’équipe Green974.

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